Des moyens matériels pour la mission

Tous conviendront que la mission de l’Église est d’abord spirituelle. Une lecture superficielle des évangiles donnerait à penser que la pauvreté est valorisée pour elle-même et que l’envoi en mission exige le total dénuement. Si nous en restons-là, il nous faut vendre les couvents, les bâtiments, les ordinateurs et le matériel de bureau utilisés au quotidien par les acteurs pastoraux. En outre, il faut informer l’Etat et les communes qu’ils n’ont plus à intervenir dans le financement du culte catholique.

Sans nier les vocations spécifiques à vivre une pauvreté radicale, les exégètes proposeront d’autres lectures. D’une part, le Nazaréen nous invite à cultiver un juste rapport aux biens matériels. D’autre part, le mystère de l’Incarnation lui-même nous éclaire à ce sujet. En effet, le Fils de Dieu s’est incarné dans une culture particulière. Pour annoncer la Bonne Nouvelle, il a utilisé la langue de ses auditeurs et leurs réalités ont inspiré ses paraboles. Il a usé de barques tantôt comme moyen de transport tantôt comme porte-voix. Les filets des pêcheurs, des jarres de pierre, quelques pains lui ont permis de réaliser des signes au service de la foi.

C’est pourquoi, il est temps de quitter le malaise qui habitent bon nombre de responsables d’Église lorsqu’il s’agit d’argent et de moyens matériels. Tout comme l’évangélisation ne peut se vivre autrement que de manière évangélique, dans la question qui nous occupe, l’Evangile reste la boussole. Cependant, si nous voulons annoncer la Parole du Christ au plus grand nombre, il nous faut l’incarner dans la culture contemporaine et utiliser ses langages. Et cela ne peut se faire sans un minimum de moyens.

Une autre difficulté est inhérente à la réalité belge. Le financement des cultes par l’Etat nous est précieux à plus d’un titre mais il a deux effets pervers. Le premier, c’est de désintéresser bon nombre de croyants des ressources matérielles de leur Eglise. Or, des pans entiers de la pastorale échappent au financement public. Le second, c’est de ne pas envisager les questions matérielles avec suffisamment de perspective et attendre que la « manne tombe du ciel ». Or, si nous voulons être en mesure de relever le défi missionnaire, notre Église doit s’en donner les moyens y compris matériels. Pour cela, il faudra faire preuve de créativité.

Pascal Roger , 11 novembre 2020