Personne n’est une île ! Chacun(e) de nous advient à lui-même dans un tissu de relations. Personne n’est à lui-même son propre commencement. Personne ne se donne son propre prénom, ni non plus son premier univers familial et culturel. Ainsi, chacun(e) de nous est appelé(e) à la responsabilité par la voix de l’autre. En cela même, le visage d’autrui s’offre comme un appel à exercer notre propre responsabilité. Dès lors, l’appel apparaît comme constitutif de notre condition humaine. Disons-le clairement, appeler c’est susciter des libertés humaines.
Si nous ouvrons les évangiles, nous sommes conduits à méditer sur la beauté de l’appel et les fruits qu’il porte. Dans l’évangile selon saint Marc, il est remarquable que l’appel des premiers disciples prenne place dès aussitôt la première parole prononcée par Jésus. Il prêche la venue du Règne de Dieu et le premier geste qu’il pose est d’appeler quatre pêcheurs (cf. Mc 1, 16-20). L’accomplissement des temps constitue l’horizon d’appel des premiers disciples. Dans l’évangile selon saint Jean, l’appel passe par une chaîne de témoins : deux disciples de Jean-Baptiste entendent sa parole : Voici l’agneau de Dieu (Jn 1, 36) et suivent Jésus ; André, l’un des deux, témoigne auprès de son frère Simon-Pierre ; le lendemain, Jésus appelle Philippe et celui-ci trouve Nathanaël…
Dans l’Ancien Testament, tous les récits de vocation font apparaître la même démarche: appel de Dieu, réponse de l’homme, envoi en mission. C’est la mission qui qualifie le témoin et donne sens à l’appel initial.
Nous devons dès lors nous souvenir que le mot Église est construit sur le verbe appeler (ek-kaleô). Elle naît d’un appel, elle est ce peuple rassemblé en réponse à une con-vocation divine. L’Église n’est pas à elle-même sa propre source, elle est née d’un appel. Elle n’est pas non plus à elle-même sa propre finalité, elle est envoyée aux hommes et aux femmes de ce temps. Cette double altérité constitue son aiguillon. Pour le dire avec les mots du concile Vatican II, elle est dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain (Constitution dogmatique Lumen gentium n° 1). La mission de l’Église n’est possible qu’en allant à la source qui la fait vivre. Aujourd’hui, dans les conditions pastorales qui sont les nôtres, il nous faut initier une culture de l’appel dans la fidélité au Seigneur et Maître de l’histoire. Nous sommes appelés à former une Église en sortie en favorisant les charismes des personnes, en accompagnant des catéchumènes, en sollicitant des personnes nouvelles, en étant présent sur les lignes de fracture de la société, en prenant tout type d’initiatives qui rende crédible – c’est-à-dire digne de foi – l’Évangile. Cette perspective rejoint l’invitation du pape François pour une transformation missionnaire de l’Église.